Katarina Radulovic 2014

Que s’est-il passé avec la peinture ? Cette question sémantique qui ouvre un nouveau chapitre dans  la  perception  de  l’art  est  représentée  dans  l’œuvre  de  Miodrag  Ristic  d’une  façon exceptionnelle. Elle nous convainc qu’il faut la traiter comme phénomène   et phénoménologie. L’œuvre d’art s’y ancre et s’ouvre à son essence. En posant cette question elle nous mène vers d’autres : Que s’est-il passé avec la surface et le niveau de représentation et en même temps la compréhension  d’une  œuvre  d’art ?  La  peinture  n’est  donc  plus  qu’une  entité  picturale  qui présente  une  simple  dimension,  comme  elle  n’est    plus  une  illusion  de  l’espace.  L’œuvre subsiste comme un objet réel, mais aussi comme une dimension réelle. De ce fait, la peinture devient la matérialisation même de la dimension. Cela nous mène à conclure que l’espace est un  fait.  Cela  dit,  la  voie  qui  mène  aux  « Espaces  imagés »  (terme  appartenant  à  l’artiste M.Ristic)  est  ouverte.  Cette façon  d’expliquer  le  chemin qu’il  avait  suivi  pour  en  aboutir  à  ce terme particulier n’a pas été présent du tout début mais il est tout de même codifié dans l’œuvre de l’artiste.

Les  premières  cassures  de  surfaces  se  sont  produites  sur  du  papier  froissé  et  collé  sur  de l’aluminium.  Le  dessin  a donc  apparu  comme  libéré  de  la  surface,  la  ligne  s’est  détachée  et s’est mise à « vivre » dans un espace réel en menant l’œuvre vers une position « objet ». En parlant  de ce procédé on ne considère pas uniquement  les dimensions de l’œuvre qui a été crée de cette façon mais aussi la dimension du procédé de l’artiste du début de sa création et de son concept jusqu’à nos jours. Les paramètres qui se tournent vers cette complexité tout au cours de sa vie d’artiste, démontrent sa grandeur, la suite dans sa perception et la causalité. Pendant des décennies, Miodrag Ristic soigne l’espace qui contourne son œuvre tout comme sa création, d’où vient la présentation artistique qui dure jusqu’aujourd’hui. Tenant compte de cela, tout stade suivant d’une de ses œuvres est la suite de celle qui lui précède. Par analogie, il est facile de constater une causalité tout au long de son travail. La relation permanente entre la ligne et la surface, « le fil » et  l’espace, détermine la langue artistique en raison de la surface qui  se  met  à  vibrer.  Le  dessin  devient  de  plus  en  plus  complexe  pendant  que  l’aluminium demeure pour ses bonnes capacités d’emploi. Pendant les années ‘ 90 ce matériau prendra des formes ondulées et il démontrera une bonne stabilité, qui après flexion, fera surgir une certaine

« action »  dans  le  centre  de  la  composition.  La  surface  continuera  à  vibrer  d’une  façon  pas seulement  physique  mais  optique,  pendant  que  le  « thème  central »  évoluera  en  noyau.  La peinture serait le reflet de la pensée de la surface. Cette interaction nous mènerait au tableau objet. En changeant la surface dès le début, il se passe un changement dans l’espace et ce changement que produit la sculpture par exemple, cet espace donc, sera pris et occupé. Les facettes de l’aluminium cassées, en allant vers des formes sculpturales, changeront de formes en vibrant vers le centre, tout en créant de la place où sera interposé le fil. Le fil conducteur de l’art créatif de Miodrag Ristic vu de cette façon démontre que sa perception analytique, quand à la relation imagé-espace, a débuté très tôt, en montrant indéniablement l’intégrité de toute son œuvre d’artiste.

L’œuvre de  Miodrag  Ristic démontre des caractéristiques d’art gestuel, de dédoublement,  de trait et d’action.  En utilisant  un coloris dynamique à petites touches,  les surfaces  donnent  un aspect d’illusionniste en bougeant presque devant nos yeux. Cela se produit réellement car le

spectacle est  bien celui d’une peinture optique. Les recherches visuelles,  celles qu’il a crées dans son dernier cycle, se tournent vers   le   minimalisme, vers la réduction et vers les formes abstraites, pendant que le contenu s’enrichit par des idées mentales. C’est pourquoi, cet œuvre devient une méta-structure.

Si le terme « espace imagé » correspondait à ses premières œuvres, le syntagme nominal « La configuration de l’espace centré et concave » 2. (Jovan Despotovic, Miodrag Ristic catalogue de l’exposition dans la galerie Zvono) seraient en parfait accord avec les formes ondulées des années ’90. Ensuite, suivant ce parcours, les dernières interventions sur aluminium seraient des dessins-objets.  Il  s’agit  d’une  série  apparentée  à  une  envergure  artistique  qui  mènerait  à  un concept très avancé. La surface est devenue active au point de se diversifier en noyau. L’accès au dessin s’approfondit, les formes deviennent pures, l’énergie de l’artiste se concentre sur la création d’une surface concave, sur le modelage de l’espace vide. L’énergie focalisée de cette manière, sur le noyau du dessin-objet, entraine encore une question tournée vers le travail de l’artiste – le moment contemplatif. L’espace concave devient le point essentiel, la topographie de  communication  intensifiée  et  le  vide  crée  avec  l’intention  de  le  remplir.  C’est  bien  là  que l’énergie circule tout comme le sens en démontrant la sensibilité de l’artiste. Combler ce vide c’est partir à la recherche du sens et finalement à l’essence même. Il faut ajouter que ce vide n’est  pas  perçu  tout  de  suite,  et  cela  surprend.  Il  nous  force  à  regarder  de  plus  près,  avec attention, d’y mettre un autre regard. Nombreux ouvrages ont été crées sur la relation  dessin – objet. Ils restent ancrés dans notre mémoire par la subtilité dont la surface  arrive à se mouvoir dans la troisième dimension, par la délicatesse et la plénitude du noyau, par la sensibilité du concept et de la création tout aussi. La ligne a été multipliée et organisée en atteignant un effet d’illusionniste. Dans l’espace, le fil remplacera la ligne. Plus le fil est fin plus la trame devient dense et la qualité de la toile d’araignée intangible pourra être saisie. La profondeur du dessin diminue  vers  les  contours,  ce  qui  permet  à  l’artiste  d’articuler  et  créer  une  impression  de gouffre. Cette descente verticale vers la profondeur est bien la pénétration dans l’essence de l’œuvre tout aussi comme la question auto suggestive que se pose l’artiste sur l’art, l’acte créatif et  les  questions  de  la  créativité  et  la  raison  de  notre  existence.  La  contemplation  est  liée étroitement à cette sensation de gouffre. Le dessin prend sa forme dans l’espace mental et se transforme pour devenir une méta – structure. La prise artistique devient bien plus profonde, les aspirations  de  l’artiste  plus  exigeantes  et  le  dessin  demeure  comme  un  espace  mental  et contemplatif.  « L’engouffrement »,  nommé  d’après  la  tonalité  bleue  d’une  des  peintures, démontre  d’une  manière  persuasive  que  nous  sommes  bien  dans  le  domaine  du  méta  – espace.  Le  bleu  et  le  vert  sont  de  provenance  organique,  tout  comme  le  coloris  d’un  temps révolu  ou  du  temps  de  la  création.  Ici  aussi,  l’espace  articulé  nous  mène  à  sa  structure fondamentale  en  nous  ramenant  aux  bases  phénoménologique.  Un  prénom  nous  est  très important car il nous aide à atteindre la « clé » de l’espace, celui de Gaston Bachelard. L’aura qui enveloppe l’art nous mène à la question essentielle – que s’est-il passé avec la peinture ? Le dessin continue à exister sur un autre plan en nous conseillant de l’interpréter d’une autre manière.  La  création  se  comprend  comme  une  activité  permanente  de  l’esprit  humain.  Elle demeure une nécessité constante qu’éprouve l’artiste à créer et de ne jamais cesser de le faire. Ce  besoin  amène  l’artiste  à  devenir  et  à  rester  le  représentant  du  sens  et  de  la  force  à  se rechercher en plongeant dans son essence pour y trouver le moyen de transmettre.

La formation d’un centre est bien la position phénoménologique que Bachelard contemple en faisant référence à l’espace comblé et son caractère protecteur. L’espace concave est protégé car l’essence recherche toujours un lieu plutôt caché pour s’y installer. D’après Bachelard, ce lieu caché doit avoir été vécu, et, encore une fois, l’essence doit être sauvegardée. En reliant l’espace  et  l’essence,  à  l’habitat,  la  demeure,  la  topographie    qui  appartient  à  l’intimité  de l’homme,  il  dira  que  « tout  espace  habité  porte  dans  son  essence  l’idée,  le  concept  de  la maison. » 3 (Gaston Bachelard, Poétique de l’espace). L’aboutissement de tous ces efforts à percer le secret du sens serait de trouver un espace libre où il pourrait trouver sa place et nous découvrir toute sa beauté.

Katarina Radulovic

Traduction  S. Badnjevic

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